Henri Kuentz perpétue l’entreprise créée en 1907, à Belfort, par son grand-père. La pépinière de cactées, transférée à Fréjus en 1937, est la plus ancienne de France
La saga Kuentz a débuté en 1907 à Belfort, lorsque Joseph-Emile, d’origine alsacienne, s’y installe comme jardinier horticulteur. Il s’oriente dès le début des années trente vers les cactus, très recherchés en Allemagne. « Encore aujourd’hui, c’est le marché n°1 en Europe », souligne son petit-fils Henri, à la tête de l’entreprise familiale à Fréjus.
Ce choix de la Côte d’Azur, Émile le fait en 1934, lors d’un « voyage d’étude » pour découvrir le jardin exotique de Monaco, ouvert l’année précédente. Il est accompagné de son fils Robert, qui travaille à ses côtés, de ses filles Madeleine, à l’œuvre dans le
De retour en Franche-Comté, les Kuentz continuent à développer leur production, tout en cherchant une propriété au soleil. « En 1937, mon grand-père a eu un coup de cœur pour les cinq hectares du domaine de la Magdeleine et a même racheté quelques lots déjà cédés à part car le vendeur avait besoin d’argent. » Robert multiplie dès lors les allers et retours pour rapatrier les plantes dans le Sud et construire les petites serres. En 1938, toute la famille s’installe ici.ur magasin de fleurs, et Marguerite. « Ils ont pris conscience du potentiel de production et de développement des cactus qu’il y a ici, grâce au climat », rappelle Henri.
La guerre met un coup d’arrêt à la multiplication des cactus et autres succulentes, en raison des restrictions de charbon et du blocus interdisant l’importation de graines des États-Unis. Surtout, il faut produire des légumes pour s’en sortir. Après le conflit, l’entreprise décolle. « Ma tante Madeleine a ouvert un magasin à Saint-Raphaël. La pépinière, qui a compté jusqu’à dix salariés, cultivait les fleurs pour elle, et les cactées pour la vente nationale. »
Durant ces trente glorieuses, le canal de diffusion était différent : Kuentz vend ses cactus, racines nues, aux horticulteurs qui les rempotent et les mettent dans le circuit commercial. Simultanément, un catalogue de vente par correspondance est envoyé aux collectionneurs, toujours plus nombreux.
En 1956, Émile décède. Robert lui succède. Il fonde une famille en épousant Michelle, fleuriste employée dans le magasin de sa sœur. Mais en 1963, c’est le drame. « Mon père meurt brutalement. Ma mère reste seule avec ma sœur de 3 ans, et moi, 2 ans. Elle n’a pas voulu vendre et a poursuivi la production avec le personnel. Elle a plus ou moins laissé tomber les collectionneurs et s’est appuyée sur les horticulteurs et les grossistes allemands »,raconte Henri.
Dans les années soixante-dix, l’entreprise, et toute la filière, font face à la concurrence des horticulteurs hollandais, qui produisent dans d’immenses unités mécanisées et inondent le marché via les jardineries. « Ma mère, très courageuse, s’est mise à produire des plantes à fleurs, à massifs en s’appuyant sur les employés. »
Henri baigne dans les serres depuis toujours. Le virus des cactus le pique vers 16-17 ans. En mars 1980, à 20 ans, il reprend l’affaire. « J’ai tout de suite relancé la vente par correspondance, et au fur et à mesure de la disparition des grossistes, j’ai réorienté la production vers des séries plus petites et plus variées. J’ai mis l’accent sur la qualité », souligne-t-il. Il travaille seul avec deux salariés. Semis, repiquage, culture, tout est fait délicatement, à la main.
Le catalogue est toujours diffusé aux particuliers, collectivités, jardiniers et collectionneurs. « Les cactus et plantes grasses sont dans l’air du temps. Écologiques, elles demandent peu de chauffage, peu d’eau. Résistantes, elles sont sensibles au gel. Elles sont aussi très démocratiques car on peut commencer avec un petit cactus à 2 euros. Il faut juste de la patience, certaines poussent très lentement. Pour une plante de taille respectable, cultivée depuis 15-20 ans, on atteint vite une centaine d’euros. »
Depuis 2000, la commercialisation progresse, grâce à Internet, qui assure les deux tiers du chiffre d’affaires. Cela permet de vendre toute l’année et d’exporter, jusqu’en Chine et en Corée, malgré les contraintes administratives. En effet, certaines variétés sont protégées par la convention de Washington. L’autre tiers du chiffre d’affaires est réalisé sur place. Henri Kuentz compte développer son activité avec l’agrotourisme. Il projette de renouveler une partie des serres et de créer un jardin de cactus à visiter.